A la fin du XIXème siècle, Melun, préfecture du département de Seine-et-Marne, ne comptait que 13 000 habitants. Cela peut paraître un peu faible pour justifier la construction d'une ligne de tramway. Mais le centre-ville était éloigné de la gare du PLM (Paris - Lyon - Méditérranée) et des usines qui s'étaient développées autour de la voie ferrée. De plus, de nouvelles casernes, occupées par un régiment d'infanterie et par un autre de cavalerie, venaient d'ouvrir leurs portes sur les hauteurs du plateau de la Brie. C'est pourquoi en octobre 1897, un banquier local, Monsieur Caget, propose de réaliser un tramway à voie métrique reliant la gare aux casernes en passant par le centre-ville. L'avant projet est déposé au Ministère des Travaux Publics le 24 mai 1898 et mis à l'enquête le 4 août suivant. La concession est sollicitée par la ville de Melun qui la rétrocède à M. Caget le 1er septembre 1899. Le 8 octobre suivant, la déclaration d'utilité publique est prononcée et le même jour la Société Anonyme des Tramways Melunais est constituée avec un capital de 400 000 francs.
Avec le concours de la compagnie Thomson-Houston pour la partie technique, les travaux peuvent commencer. Deux ans plus tard, après quelques problèmes rencontrés lors de l'exécution du chantier, le tramway est enfin mis en service le 24 octobre 1901. La ligne, d'une longueur totale de 2 528 m, est à voie unique, comporte six évitements intermédiaires et est en général implantée latéralement, choix qui s'explique par l'étroitesse des rues du centre-ville. La voie est composée de rails de type Broca d'une masse de 36 kg/m, à l'exception du terminus des casernes qui est doté de rails Vignole de 20 kg/m. Le courant électrique continu 550 V est fourni par la Société du Gaz et de l'Electricité de la ville, dont l'usine est également dirigée par M. Caget. A l'origine, les locaux de la centrale électrique devaient servir au remisage des tramways. mais le manque de place a conduit à l'acquisition d'un terrain au bout de la rue de Ponthierry, où un dépôt à trois voies avec fosse et petit atelier a été construit pour garer les cinq motrices Brill de 36 places et les trois remorques ouvertes.
Pour l'exploitation quotidienne de la ligne, il existe deux sections tarifaires : Gare - Coin-Musard et Coin-Musard - Casernes. Pour une section, le candidat au voyage doit alors débourser 0,15 franc en première classe et 0,10 franc en seconde classe, tandis que pour deux sections il lui en coûtera respectivement 0,20 et 0,15 franc. Chaque jour, il y a 56 départs par sens de circulation. Mais très vite, le trafic s'avère être des plus irréguliers. Il y a des pointes à l'arrivée des trains du PLM, les jours de foire et lors des départs en permission des militaires. Toutefois, en dehors de ces périodes, le tramway affiche rarement complet, surtout en première classe. La compagnie s'adapte et mets en place des relations partielles Gare - Coin-Musard à fréquence élevée (toutes les sept minutes) et un service réduit vers les casernes. Mais les résultats obtenus sont bien modestes, d'autant que les militaires partents souvent en manoeuvres et que leur maignre solde ne leur permet guère de s'offrir le tramway. Les résultats financiers s'en ressentent et en 1910 les prix augmentent de 0,05 franc par section. Cette majoration est cependant atténuée par la création de billets en carnet, d'abonnements scolaires et d'un tarif réduit pour les militaires.
Mais la Première Guerre Mondiale de 1914-1918 entraîne la perte totale du trafic des soldats, tous partis au front. Le nombre des civils transportés est également en forte baisse car plus aucune foire commerciale n'est organisée au cours de cette période. A cela, s'ajoutent les nombreuses coupures de courant de la centrale électrique. C'est pourquoi, au soir du 31 janvier 1917, les tramways melunais cessent toute activité.
Après la guerre, on envisage de remettre la ligne en service. Mais le mauvais état de la voie et le bon fonctionnement des autobus de remplacement font que ce projet n'aboutit pas. La Société Anonyme des Tramways Melunais a donc été déclarée en faillite le 22 novembre 1924. La ligne est finalement déclassée par décret le 2 mai 1930 et les installations sont déposées. Le matériel roulant a cependant eu plus de chance car il a été envoyé à Cannes pour renforcer le parc des tramways, dont la plupart des motrices avaient été détruites lors de l'incendie du dépôt de cette ville en mars 1924. Par la suite, une des motrices Brill est revenue à Fontainebleau avant de terminer sa carrière à Bourges.
Pour l'anecdote, on peut signaler que le réseau actuel des autobus urbains de la préfecture de Seine-et-Marne a jusqu'en 2011 eu pour nom "TRAM", ce qui signifie "TRansports de l'Agglomération Melunaise". Est-ce le signe d'un éventuel retour du tramway à Melun ? Cela n'est pas impossible car la ville s'agrandit de plus en plus et une ligne est en projet non loin de là, dans l'agglomération nouvelle de Sénart.
Pierre BAZIN
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