Le samedi 13 décembre, la RATP a mis en service la première section du tramway T6 entre Châtillon-Montrouge et Vélizy-Villacoublay. Longue de 12,4 km, cette ligne est en réalité un faux tramway,
puisqu'elle est équipée de rames Translohr dotées de pneumatiques, qui circulent sur une plateforme en béton en étant guidées par un unique rail central au moyen de galets spécifiques.
Lancé en l'an 2000, le projet remplace une extension de la ligne 13 du métro qui avait été envisagée dès les années 1960 ! Déclaré d'utilité publique en 2006, le T6 ne verra ses travaux débuter
qu'en 2010 pour la section en surface, puis en 2011 pour la partie souterraine sous Viroflay. Lorsque le tunnel sera achevé, en 2016, le T6 aura une longueur totale de 14 km, dont 1,6 en tunnel.
Il comportera alors 21 stations, dont deux souterraines. 60 000 habitants et 90 000 emplois sont desservis par le tramway, ce qui lui assure un trafic prévisionnel de 82 000 voyageurs par jour.
Ces derniers peuvent utiliser les correspondances offertes par la ligne 13 à Châtillon-Montrouge, puis à compter du printemps 2016 celles proposées par le RER-C et la ligne N du Transilien à
Viroflay-Rive-Gauche, et par la ligne L à Viroflay-Rive-Droite. Cela permettra de désenclaver la zone d'emplois et le centre commercial de Vélizy 2, constamment englués dans des embouteillages
monstres. La fréquence de desserte varie de 4 minutes en pointe, 7 minutes en heures creuses, 10 à 20 minutes le soir et les week-ends. Le temps de parcours est actuellement de 36 minutes de
Châtillon-Montrouge au terminus provisoire de Robert Wagner et sera de 40 minutes une fois la totalité de la ligne en service.
Conséquence de l'ouverture du T6, les réseaux de bus de la RATP et des transporteurs privés du réseau Optile ont été complètement restructurés :
- 21 lignes sont modifiées, simplifiées ou prolongées
- 4 lignes sont supprimées (dont le 295 remplacé par le T6)
- 3 lignes sont renforcées
- 2 lignes sont créées
- 2 lignes sont fusionnées
- 13 lignes sont rebaptisées
Au total, le T6 a eu un coût hors taxes de 384 millions d'euros (conditions économiques de 2006), partagés par la région Ile-de-France (50 %), l'Etat (16 %), la RATP (1 %), le Conseil général des
Yvelines (13 %) et le Conseil général des Hauts-de-Seine ( 20 %). A ce montant s'ajoutent 134 millions d'euros, intégralement financés par le Syndicat des Transports d'Ile-de-France (STIF), pour
le matériel roulant.
Ce dernier se compose de 28 rames Translohr du modèle STE6. D'une longueur de 46 m, elles ont un gabarit étroit de 2,20 m et une capacité de 252 voyageurs, dont 60 assis. Pouvant rouler à la
vitesse maximale de 60 km/h, elles possèdent une puissance totale de 760 kW, fournie par deux moteurs de 240 kW situés à chaque extrémité et par quatre moteurs-roues de 70 kW installés au niveau
des articulations. D'un coût particulièrement élevé (4,85 millions d'euros par rame), le Translohr a été préféré à un tramway traditionnel en raison de la présence de rampes importantes à
Châtillon et à Viroflay et à cause de son gabarit étroit qui permet de réduire le diamètre, et donc le coût, du tunnel de Viroflay. Signalons cependant qu'à Lisbonne les tramways traditionnels
affrontent des pourcentages bien plus élevés (15 %) et qu'à Tenerife, des rames modernes Alstom Citadis à adhérence totale gravissent sans problème des déclivités de 10 %, soit une valeur
supérieure à la côte de Châtillon. De plus, il existe des tramways à gabarit réduit, par exemple à Saint-Etienne (2,10 m), il est vrai en voie métrique.
Compte-tenu du trafic attendu, dont les prévisions seront probablement rapidement dépassées, on peut s'interroger sur la pertinence du choix du Translohr, même en version allongée. Par ailleurs,
comme nous avons pu le constater lors du trajet inaugural, le confort de roulement sur pneumatiques sur la piste en béton pourtant toute neuve est médiocre. On ressent de nombreux tressautements
intempestifs qui ne sont pas sans rappeler ceux des rames de métros sur pneus les plus anciennes (MP55 et MP73).
Le site de maintenance et de remisage (SMR) du matériel roulant se trouve à Vélizy-Villacoublay, de l'autre côté de l'A86. Cela a nécessité la construction d'une trémie d'accès sous l'autoroute.
D'une surface de 2,5 hectares, il est dimensionné pour recevoir un totale de 32 rames, dans la perspective d'une augmentation de l'offre de transport de la ligne, au cas où le succès est au
rendez-vous.
Desservant une zone jusque là fortement délaissée par les modes de transports en commun lourds, il ne fait aucun doute que le succès du T6 est assuré, même si la station desservant le centre
commercial de Vélizy 2 est particulièrement mal placée, avec un accès nécessitant un long cheminement piéton qui comporte une traversée à niveau d'une voie à grande
circulation. Il reste maintenant à espérer que la fiabilité du matériel Translohr suive, ce qui n'a pas forcément été le cas dans les réseaux existants de Clermont-Ferrand et de Padoue, où de
nombreux incidents sont à déplorer.
Pierre BAZIN