Située au cœur de la Forêt Noire, la ligne du Höllental ("La Vallée de l'Enfer") est à la fois la ligne à voie normale la plus haute et la plus pentue d'Allemagne. De plus, elle a servi de
banc d'essai au développement de la traction électrique en courant alternatif 50 Hz.
Reliant Freiburg-im-Breisgau à Titisee (36,4 km), la voie ferrée de l'Höllental a été mise en service le 23 mai 1887. Construite à l'économie, elle se caractérise par des déclivités importantes
de 55 mm/m. Cela avait nécessité le recours à une crémaillère de type Riggenbach sur deux sections longues respectivement de 1 935 et 4 590 m entre Hirschsprung, Posthalde et Hinterzarten.
S'inscrivant dans une vallée étroite et pittoresque, la ligne a nécessité la construction de plusieurs ouvrages d'art, le plus important étant le viaduc de Ravenna, long de 224 m et haut de 42
m.
En 1901, la voie a été prolongée jusqu'à Donaueschingen sur la transversale Offenburg - Konstanz. Puis en 1927, l'embranchement du "Dreiseenbahn" ("la ligne des Trois Lacs"), long de 19,2 km, a
été mis en service vers Seebrugg. Celui-ci dessert le village de Bärental, dont la gare, située à 967 m d'altitude, est la plus haute du réseau ferroviaire national allemand, avant de longer le
lac de Schluchsee dans sa partie finale.
Jusqu'au 7 octobre 1933, des locomotives à crémaillère ont été utilisées. Puis la crémaillère a été démontée et la ligne reconvertie à la simple adhérence à la faveur de l'arrivée de dix
puissantes locomotives-tender 151T série 85, spécialement construites pour l'Höllental. Avec une puissance de 1 500 chevaux pour une masse totale de 133,6 t, elles devaient théoriquement être
capables de gravir les rampes de 55 mm/m à 23 km/h avec une rame de 160 t. Mais elles ne donnèrent pas entièrement satisfaction et il a fallu limiter la charge des trains à 160 t. De plus, la
consommation de charbon était particulièrement importantes.
A la même époque, la Deutsche Reichsbahn effectuait des recherches sur la traction électrique. Afin de limiter les frais d'installation, il a été décidé de recourir au courant monophasé, dont la
haute tension (20 kV) permettait de réduire le nombre de sous-stations et de faire appel à la fréquence de 50 Hz provenant directement du réseau général de distribution d'électricité sans avoir à
construire une usine électrique ou des groupes convertisseurs. Pour effectuer les tests, la ligne du Höllental a été choisie et la section Freiburg-im-Breisgau - Neustadt et l'embranchement
Titisee - Seebrugg ont été mis sous tension en 1936.
Au final, les chemins de fer allemands choisirent finalement le 15 000 V-16,67 Hz pour équiper le réseau principal et la ligne du Höllental sera reconvertie à cette tension le 20 mai 1960, suite
à l'électrification de l'artère Mannheim - Karlsruhe - Bâle.
Entre-temps, en plein conflit mondial, Louis Armand a engagé dès 1943, en collaboration avec des ingénieurs de la société française SW (Schneider-Westinghouse) des études techniques sur la ligne
du Höllental. Cela conduira à des essais sur la ligne Aix-les-Bains - La Roche-sur-Foron puis à l'électrification de Valenciennes - Thionville.
Depuis, grâce aux expérimentations menées sur l'Höllental, la traction électrique sous courant industriel 25 000 V - 50 Hz s'est largement développée en France et dans le Monde et équipe de
nombreux réseaux ferroviaires, dont la plupart des lignes à grande vitesse.
Pierre BAZIN