Station balnéaire russe au climat méditerranéen, la ville de Sochi, située au bord de la Mer Noire, a été choisie pour accueillir du 7 au 23 février 2014 les Jeux Olympiques d'hiver.
Partenaires de cet événement, les chemins de fer russes (RZD) jouent un rôle essentiel dans la desserte des différents sites.
Ligne nouvelle
Afin de pouvoir faire face à l'afflux de voyageurs pendant les jeux, les infrastructures ferroviaires de la région de Sochi ont subi de profonds bouleversements.
Ainsi, la ligne existante en provenance de Moscou a été intégralement mise à double voie entre Tuapse, Sochi et Adler. Etablie à flanc de montagne le long de la Mer Noire, il a fallu construire de nombreux murs de soutènement, deux tunnels et plusieurs ponts pour franchir les fleuves côtiers, notamment sur la section terminale Sochi - Adler. Par ailleurs, tous les quais ont été rehaussés. Les gares de Dagonys, Matsesta, Khosta et Sochi ont été rénovées et celle d'Adler a été entièrement reconstruite et transformée en pôle multimodal. Enfin, au-delà d'Adler, juste avant la frontière avec la province géorgienne autonome de l'Abkhazie, deux nouvelles gares ont été créées pour desservir le village olympique (Imeretinsky Kurort) et le parc olympique (Olimpiiskii Park).
A cette modernisation se sont ajoutées des infrastructures entièrement nouvelles.
En premier lieu, un raccordement de 3 km a été créé entre Adler et l'aéroport de Sochi.
Mais c'est surtout la création d'une ligne entièrement nouvelle de 48 km qui a mobilisé toutes les énergies et de nombreux capitaux. En partie jumelée avec une route, elle prend naissance sur les bords de la Mer Noire, à Adler. Puis, au moyen d'une impressionnante série d'ouvrages d'arts, elle remonte une étroite vallée afin d'aller desservir le site olympique de Krasnaya Polyana au moyen de deux nouvelles gares :
- Esto Sadok (tremplins de sauts à skis).
- Alpika Service (luge et épreuves de ski), station terminale située à 543 m d'altitude, dotée de trois voies de 300 m chacune.
Construite à voie unique, la ligne comporte plusieurs sections à double voie pour permettre le croisement des trains et offrir une capacité de 8 500 voyageurs par heure grâce à la mise en circulation de 6 trains par heure. Parcourable à 160 km/h et mise en service le 1er novembre 2013, la nouvelle voie ferrée est électrifiée en 3 000 V continu sur les 5 premiers kilomètres et en 25 000 V-50 Hz au-delà. Cela oblige donc à recourir à un matériel bicourant.
Au total, la modernisation des infrastructures ferroviaires a nécessité la pose de 157 km de voies nouvelles, la construction de l'impressionnant viaduc de Vintoviy, long de 807 m, et le percement de 11 tunnels dont trois majeurs, longs respectivement de 2 524, 2 857 et 4 055 m.
"Lastochka" et "Olymp"
Pour assurer la desserte des sites olympiques, les RZD ont commandé à Siemens en 2009 une nouvelle série de 38 automotrices, basées sur le modèle Desiro ML du
constructeur allemand, mais adaptées au gabarit généreux des chemins de fer russes (3,50 m). Construites outre-Rhin à Krefeld et livrées à compter de 2012, les "Lastochka" ("petites hirondelles")
sont des rames de cinq voitures bi-courant 3 000 V continu et 25 000 V-50 Hz. Autorisées à 160 km/h, elles ont une puissance de 2 550 kW et peuvent accueillir 270 voyageurs, dont 32 en première
classe. Elles sont dédiées aux trains circulant entre la ville de Sochi, l'aéroport et les différents sites olympiques.
En complément, les autres dessertes locales, qui relient Tuapse à Sochi, sont assurées par huit automotrices ED4M datant de 1990. Ces rames monocourant 3 000 V de 10 voitures accueillent 1 070 voyageurs, ont une puissance de 4 700 kW et peuvent rouler à 130 km/h, ce qui est largement suffisant sur une ligne où la vitesse maximale autorisée excède rarement les 70 km/h.
Pour les services à longue distance, de nouvelles voitures à deux niveaux ont été construites pour les trains drapeaux 103 et 104 assurant la liason avec Moscou. Elles ont été mises en service le 1er novembre 2013.
Elles sont tractées par les toutes nouvelles locomotives EP20. Commandées à 200 exemplaires, celles-ci ont été surnommées "Olymp" en l'honneur des Jeux. De type Bo Bo Bo, elles sont construites par Alstom avec son allié russe TMH, dans les ateliers de Novocherkassk. Basées sur le modèle Prima II du constructeur français, elles possèdent des moteurs asynchrones à technologie IGBT. Fait rare en Russie, elles sont bicourant 3 000 V continu / 25 000 V-50 Hz. Les premiers exemplaires ont été mis en service à l'automne 2013 sur la relation Moscou - Adler, éliminant les relais traction aux frontières électriques de Ryazan et Gor-Klyuch.
Desserte intensive
Pendant les Jeux Olympiques, les automotrices "Lastochka" sont utilisées de façon intensive et assurent plus de 400 trains par jour. "L'Horaire Olympique" a été introduit
graduellement par étapes à compter du 1er novembre 2013 pour être totalement opérationnel le 24 janvier 2014.
Il comprend le relations suivantes :
- Sochi - Adler - Olympic Park : 30,7 km. 5 trains par heure et par sens.
- Sochi - Adler - Sochi-Aéroport : 26 km. 2 trains par heure et par sens.
- Sochi - Adler - Krasnaya-Polyana : 71,2 km. 1 train par heure et par sens.
- Olympic-Park - Krasnaya-Polyana : 46,1 km. 2 trains par heure et par sens.
Par ailleurs, la desserte grandes lignes a été renforcée.
Habituellement, Adler et Sochi sont reliés par 1 à 2 trains quotidiens avec Moscou et par 1 train quotidien en été, circulant tous les deux jours en hiver, avec Saint-Pétersbourg. A cela s'ajoutent des périodiques estivaux joignant la cité balnéaire à Minsk, Perm, Novossibirsk et Nizhni-Novgorod.
Pendant les Jeux, ces relations d'été ont été réactivées et de nombreux trains supplémentaires sont mis en circulation. Adler et Sochi sont ainsi desservis directement depuis de nombreuses villes de Russie, comme par exemple Arkhangelsk, Krasnoyarsk, Kaliningrad, Saratov, Volgograd et même Kiev en Ukraine, au prix de voyages qui durent parfois 4 ou 5 jours ! Cela peut nous sembler très long mais en Russie, c'est très courant. Les voyageurs sont habitués et profitent des nombreux arrêts pour se réapprovisioner en nouriture et vodka dans les supérettes installées directement sur les quais.
Une fois les Jeux Olympiques terminés, la modernisation du réseau ferroviaire local permettra d'assurer une bonne desserte de l'agglomération de Sochi, ce qui n'est pas un luxe compte-tenu de la médiocrité du réseau d'autobus (fréquents mais antiques) souvent englués dans les embouteillages endémiques qui affectent la cité balnéaire, notamment en été.
Par contre, on peut se demander qu'elle sera l'utilité future de la nouvelle ligne de Krasnaya-Polyana, qui traverse une région très rurale et qui ne devrait connaître une certaine affluence que pendant la saison des sports d'hiver.
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Pierre BAZIN